1° - On va commencer comme dans tout interview par les présentations. Donc qui es-tu, quel est ton passé au sein des UB90, que fais-tu encore aujourd’hui ?
Je suis Sylvain, 34 ans, un des membres fondateurs des UB90. Membre du bureau directeur du début de l’aventure jusqu’à 1998. Premier président de l’association de 1995 à 1998. De nos jours je n’ai plus aucune responsabilité mais malgré cela toujours présent à domicile au sein de la Vieille Garde et mes quelques déplacements effectués sont choisis en fonction de ma motivation et de la distance !
2° - Les Ultra Boys du RC Strasbourg sont donc nés en 1990, période qui a vu la création de nombreux groupes français s’inscrivant dans la mouvance ultra. Cependant à Strasbourg le mouvement des supporters organisés ne datent pas de cette époque. L’ambiance a la Meinau existait bien avant. Il se passait quoi à la Meinau pendant les années 80 ?
Il a fallu attendre 1979 pour voir Strasbourg gagner son seul et unique titre de champion de France. Des supporters habillés de bleu et blanc vibraient et encourageaient leur équipe comme jamais à chaque rencontre à domicile. Un stade archi-comble et toute une région vibraient pour son Racing. Il régnait à l’époque une parfaite osmose entre une équipe constituée de joueurs « alsaciens » (par le sang et/ou la mentalité) et son public. En 1981, le limogeage du mythique entraîneur Gilbert Gress voyait s’écrouler tout un rêve. Ainsi débutait une longue traversée du désert pour le club et ses fidèles supporters.
3° - Strasbourg, club populaire aux supporters populaires comme à Lens ou à Saint-Etienne, c’est une contre vérité ou la réalité ?
Pourquoi pas ! Le Racing jouit toujours d’une forte popularité dans la région. Entre haine et passion, le RCS fascine. Les Ultras également ont trouvé aux yeux du public strasbourgeois une certaine reconnaissance grâce à leur présence et une fidélité qui ne se discute pas.
4° - Les premières années des UB90 ont été assez « rock’n’roll » si on peut dire. On va pas revenir sur toute l’histoire du groupe, mais peux-tu nous expliquer comment vous avez réussi à faire votre place dans un stade qui ne vous était pas acquis d’avance ? D’ailleurs peux-tu nous raconter l’épisode assez rocambolesque avec le Club Central des Supporters et leur section Ultra Boys ?
Il faut revoir le contexte de l’époque. Nous étions jeunes, très motivés et passionnés, la répression était minime. Je dirais et je le dis encore aujourd’hui que le simple fait de bâcher, de chanter, bref d’exister était pour nous une victoire, une étape dans la construction de notre projet. L’histoire et l’épisode de la section UB du CCS sont du passé et sans intérêt, seul le futur et l’avenir du groupe m’intéresse…
5° - Par rapport aux Meinau Boys qui existaient avant vous, quelle était votre position. En caricaturant est-ce que ça n’était pas les « gentils ultras » d’un côté et les « méchants hooligans » de l’autre ?
Je ne dirais pas cela comme ça. Les problèmes survenus à Gueugnon en 90 ont changé beaucoup de choses. On en avait marre des incidents et de la politique des Meinau Boys au stade. Il fallait que ça bouge, que cela change. Nous devions tout simplement retrouver un soutien vocal à l’équipe qui n’existait plus ! Le changement de tribune devenait ainsi inévitable.
6° - Tu as été au bureau pendant pas mal d’années au milieu 90’. Quels souvenirs gardes-tu de cette époque, qu’est-ce que ça t’a apporté d’être à la tête d’un groupe comme les UB90 ?
Et avec le recul comment juges-tu ce que tu as fait pour le groupe ?
Je garderai pour toujours le souvenir d’une bande de jeunes qui ne se prenaient pas au sérieux et qui au fil du temps se sont liés d’amitié à travers une même passion. De tous les moments passés ensemble à la Meinau ou en déplacement, il régnait parmi nous une convivialité, un esprit de camaraderie que je ne pouvais retrouver nulle part ailleurs. Il était de mon devoir en tant que responsable de l’association de tracer la voie et de trouver une identité et une meilleure structure pour notre groupe. Dans ce travail de longue haleine, il serait injuste de ne pas remercier toutes les personnes du bureau de l’époque qui étaient à mes côtés. Aujourd’hui je suis tout simplement heureux et fier d’avoir apporté mes connaissances et de dire qu’il y a de la place pour un groupe Ultra à Strasbourg !
7° - Les Ultra Boys vont fêter leur 15 ans. Un âge où l’on atteint une certaine maturité pour les groupes ultras. Comment as-tu vécu ces dernières saisons, entre la L2 et la L1 ? Qu’est-ce que tu espères pour la saison actuelle et les saisons à venir ?
Le Racing a toujours traversé de graves crises internes et sportives et s’en est à chaque fois remis. Cette saison encore est catastrophique, sauf miracle la L2 nous est promise. A l’image de l’équipe encore une fois, nous resterons fidèles malgré tout à nos couleurs pour traverser une nouvelle fois ensemble des tempêtes et retrouver des jours meilleurs.
8° - Les Ultra Boys ont plusieurs fois changé de tribune au cours de leur histoire. Cela ne traduit-il pas un problème d’identité pour le groupe, du à la difficulté de trouver sa juste place dans le stade ?
Le stade de la Meinau actuel est beaucoup trop sectorisé. C’est pourquoi notre retour en quart de virage en 2003 devenait vital. Les conditions en populaire ne nous permettaient plus de progresser ni de nous agrandir. Que voulez-vous c’est comme ça et on fait avec…
9° - En terme de mentalité, on a l’impression que les UB90 sont un groupe très ouvert, à la fois dans leur stade, mais sur le mouvement en général (suffit de lire le Goujon pour s’en assurer). Qu’en est-il réellement ? Tu confirmes cette vision des choses ?
Disons que le groupe à ses débuts était assez fermé, recroquevillé sur lui-même. D’ailleurs on nous a souvent reproché, à nous anciens, de ne pas avoir fait les efforts nécessaires d’aller vers les autres. On reconnaît que le nombre de membre stagnait durant quelques saisons. Ceci dit, on n’a jamais voulu brûler les étapes, le groupe s’est tout de même construit petit à petit pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. La génération actuelle est certes plus ouverte, plus expansive et imaginative. Avec notre local où de nombreuses soirées à thème sont organisées nous disposons d’un formidable outil permettant d’intégrer au mieux les nouveaux venus. Les fruits de notre travail commencent par payer et confirment bien que les UB90 se portent bien et ont leur propre mentalité.
10° - On va parler un peu des amitiés strasbourgeoises. On sait que des liens très forts vous unissent aux ultras de Karlsruhe : les Phönix Sons. Ces liens qui existent depuis le début des années 80 se sont renforcés avec le temps. Comment ça se passe aujourd’hui ? On sait que beaucoup de strasbourgeois vont à Karlsruhe, que beaucoup d’Allemands viennent voir le RCS. Y a-t-il des Allemands membres des UB90 ?
L’amitié franco-allemande dure et perdure depuis des lustres. Les Karlsruhers ont toujours été présents à nos côtés dans les bons et les mauvais moments et réciproquement. Notre jumelage avec les Phönix Sons en 2001 n’a fait que renforcer d’avantage les liens qui nous unissaient déjà. On ne peut que s’en féliciter. Les Allemands viennent souvent nous voir le samedi et nous leur rendons la pareil le dimanche après-midi. Les 3ème mi-temps se prolongent fort tard dans la nuit dans nos locaux respectifs.
11° - Toujours sur l’Allemagne, qu’est-ce que ça vous a apporté d’être unis aux supporters du KSC ? Et quelle image peux-tu nous renvoyer du mouvement allemand, qui reste malgré tout assez méconnu en France.
Notre amitié avec les Karlsruhers a permis à nos jeunes de découvrir une nouvelle culture, un pays passionné vivant pour le football. Les Phönix Sons à nos côté nous ont non seulement apporté un soutien mais également une vision du mouvement Ultra qui est en forte évolution en Allemagne. La plupart des hooligans d’hier sont les Ultras d’aujourd’hui. Malgré la répression qui est très forte, je ne serais pas surpris de les voir nous dépasser. Ils apprennent vite, ont une moyenne d’âge beaucoup plus élevé que la notre et un vrai potentiel public dans tous les clubs de Bundesliga.