1° - Salut….
Peux-tu te présenter aux lecteurs de MU. Qui es-tu ? Comment t’es tu retrouvé à supporter le LOSC ? Quel est ton rôle au sein des Dogues Virage Est actuellement ?
Je suis un des cinq fondateurs des DVE. Mon frère (fondateur aussi) était supporter du LOSC. Comme tout bon petit frère qui se respecte j’ai fait comme le grand frère. Et quand on aime le foot dans le Nord, si on a un peu de fierté on est supporter du LOSC. Pour les ploucs il y a toujours Lens mais bon…
Je n’ai plus de rôle officiel dans les DVE, je suis simple membre. Fred, l’actuel président, fait l’unanimité dans le groupe (jeunes comme anciens). Je suis juste consulté de temps en temps pour les décisions impliquant l’image ou historique du groupe. Le chef aujourd’hui, c’est lui.
2° - Tu es l’un des fondateurs des DVE encore présent dans le groupe. C’est assez rare en France de voir des fondateurs de groupes de supporters encore présent et actif. Comment expliques-tu cette longévité ? Qu’est-ce qui te pousse à rester dans un groupe de comme les DVE ?
Je ne suis plus vraiment actif en tant que DVE, même si j’achète fièrement ma carte chaque saison. Je suis plus motivé hors du stade qu’à l’intérieur. Beaucoup d’anciens sont restés, beaucoup sont revenus. C’est motivant, d’autant que les jeunes bougent de plus en plus à tous les niveaux. L’ambiance dans le groupe est vraiment excellente.
3° - Peux-tu nous expliquer ce qui vous a poussé, toi et quelques-uns de tes potes à fonder ce groupe en 1989 ? Si tu te replaces dans le contexte de l’époque, quelles étaient vos motivations, vos envies et la mentalité qui vous animez ?
Grimonprez-Jooris était vraiment mort, le LOSC jouait devant 3000 spectateurs. J’étais avec mon frère et un pote de lycée dans la tribune « première n°7 » On accrochait nos drapeaux aux grilles comme des malheureux par -10 degrés. Denis, Greg, et Franck en faisaient autant un peu plus loin. On s’est donc raconté des histoires d’accrocheurs de drapeaux et nous avons décidé d’en créer un nouveau en commun : « Dogues Virage Est ». Mes potes de lycée nous ont rejoint. Le groupe était né. On voulait remuer un peu ce stade à l’abandon.
4° - Si tu devais retenir 1 ou 2 événements fondateurs, qui symbolisaient l’esprit du groupe à l’époque, quels seraient-ils ? As-tu la nostalgie de cette période ?
C’est difficile de choisir un évènement ; j’ai plus le souvenir d’une époque et d’un état d’esprit que d’un évènement en particulier. Le groupe était jeune, insouciant et n’avait peur de rien (sauf des mamans).
Il faut dire qu’il n’y avait quasiment rien en face. Nous avons fait nos armes à Lens, Caen, Rouen, le Havre etc… c’était drôle mais pas vraiment dangereux, à part au havre où à 2 J9 nous avons failli nous faire lyncher par tout le stade !
Je ne suis pas nostalgique, mais je suis content d’avoir vécu ça. Ce qui fait plaisir, c’est que les VIP de l’époque sont quasiment tous encore là, ou au moins sont restés en contact.
5° - En 1992, un des membres historiques du groupe, Franck disparaît subitement. Comment avez-vous vécu ce drame alors que le groupe était dans une période qu’on qualifiera de dorée (nombre de membres, impact en tribunes, animations, violence) ?
Nous avons perdu un ami. Ce fut bien sûr une épreuve très difficile pour nous tous.
6° - Pour beaucoup de supporters s’intéressant au monde des tribunes, les DVE sont un peu comme d’autres groupes français à cette époque, un mélange de mentalité et d’influences : ultras, hooligans, siders…
Est-ce que l’une ou l’autre de ces influences a toujours été prédominante chez vous ?
Quand j’étais président du groupe, je n’étais pas très branché par les tifos, je préférais les modèles anglais et belges. Mais pour composer avec toutes les tendances du groupe, nous en avons fait quelques beaux tifos quand-même. Toutes les tendances étaient représentées et respectées mais il sautait aux yeux que nous n’étions pas de mentalité latine. Ca fonctionne toujours comme ça aujourd’hui.
Mais Fred étant un connard d’Italien (lol) , les tifos sont aujourd’hui plus nombreux, et surtout mieux réussis !
7° - Personnellement, de quelle mentalité te sens-tu le plus proche ?
Mentalité kepper. Vu mon âge je n’ai plus de modèle. Je viens voir les potes et ça se passe comme ça doit se passer.
8° - Comment appréhendes-tu la violence autour du football ? Le modèle casual qui est très présent dans les tribunes lilloises a-t-il une influence directe sur les DVE ?
La violence contrôlée me plait. Se battre avec des types qui sont là pour ça est vraiment très prenant. Et puis au moins pendant ce temps là on fait pas de conneries !
9° - A propos des siders et donc de la Belgique, on a souvent parlé des rapports avec Brugge et certains de ses supporters. Qu’en est-il réellement ? Avez-vous eu des contacts autres en Belgique ? Quel rôle a joué ce pays et ses supporters dans l’histoire des DVE ?
Nous allions régulièrement voir des matches là-bas. Eux sont venus aussi voir quelques matches à Lille. L’amitié entre groupes n’existe plus vraiment et les liens n’existent surtout qu’entre anciens leaders des deux côtés. Mais occasionnellement certains reviennent nous voir, nous en faisons de même. C’est surtout une histoire de vieux.
10° - Pour continuer sur les DVE, on a le sentiment que le groupe a connu une cassure à compter de la période 95-96. Qu’est-ce qui s’est passé à cette époque ? Est-ce que la relégation en D2 du club vous a causé beaucoup de torts ? Toi-même, comment as-tu vécu cette période un peu trouble dans l’histoire du groupe ?
Lorsque j’ai cédé ma place, la cassure est apparue… plus de vrai président, grosse différence d’âge entre les générations, la période a été difficile plusieurs années de suite. La d2 n’y est pas pour grand’chose. Ca me désolait de voir le groupe s’affaiblir, mais je n’étais plus assez motivé pour m’en occuper.
11° - Comment avez-vous accueilli les autres groupes qui se sont crées à Lille entre temps ? Les Insula, Rijsel Spirit et autres Dogues United ? Et à l’époque du KEP, quelles étaient réellement les relations avec ce groupe ?
Les Rijsel Spirit et Dogues United sont un peu les Lensois de Lille. Ils sont sans intérêt et amenés à disparaître.
Les Insulas ont suivi la seule voix raisonnable : ils ont rejoint les DVE (ce qui a d’ailleurs fait beaucoup de bien aux DVE).
Il n’y a pas de relations entre KEP et DVE puisque lorsque nous sommes ensemble nous ne faisons pas la différence. Je suis moi-même DVE et je fais partie du KEP.
12° - Aujourd’hui, il semble que les Dogues Virage Est reviennent en force dans le petit monde des supporters français. Le groupe a fêté ses 15 ans la saison passée, les lillois semblent plus présents en déplacement que ces dernières années, il y a eu quelques chorégraphies d’envergure que ce soit à Grimonprez-Jooris ou au Stadium Nord. Comment explique-tu ce renouveau ?
Fred et son équipe font un boulot de fous et ça marche. Ils sont passionnés et ont remotivé tout le monde. Les anciens, les jeunes, les nouveaux…tous unis. C’est ce qui fait la force d’un groupe.
13° - Voilà 16 ans et plus que tu es présent derrière le LOSC et au sein des DVE. Comment analyses-tu l’évolution de ton club et surtout de ses tribunes ? Quels changements (en bien ou en mal) as-tu pu apercevoir ?
Mon club a toujours été un club de merde, c’est d’ailleurs peut-être aussi pour ça que je m’y suis tant attaché.
Il est comme tous les clubs dans le foot, il obéit à des cycles. C’est vrai qu’à Lille les mauvais cycles durent 50 ans ( !), mais depuis quelques années on se fait vraiment plaisir. Côté tribunes, ça se résume à l’histoire des DVE.
14° - D’un manière générale, quel regard portes-tu sur le mouvement « ultrà » et « hools » en France 2005. Qu’est-ce qui te semble avoir le plus évoluer ?
Je trouve le mouvement ultra français assez catastrophique. Quand je lis «on a fait des bonnes gestuelles, des bons cramages, des bonnes chorégraphies», j’essaie de comprendre mais vraiment c’est trop dur. A part pour 5 ou 6 clubs en France, c’est vraiment pitoyable.
Côté hooligans la France n’est plus la risée de l’Europe. Plusieurs groupes ont émergé et sont prêts à tenter des trucs contre leurs homologues européens. Il y a encore du boulot mais ça vient…
15° - Une question un peu plus "polémique". De l'extérieur, certains voient les DVE comme un groupe politisé à l'extrème droite ou tout du moins, marqué par une idéologie extrème. Qu'en est-il réellement ?
Polémique ? Non je ne trouve pas. Nous avons toujours refusé d’officialiser la politique, c’est mauvais pour un groupe. C’est clair que c’est largement à droite dans l’ensemble, ce qui fait d’ailleurs que la tribune est blanche. Mais ça ne parle pas politique au foot, on s’en fout un peu. Tout le monde est bienvenu à Lille. Le foot c’est la fête !
16° - Actuellement, du côté de Lille, le débat est de savoir où jouera le LOSC, l’an prochain pour ses matchs de Ligue des Champions. On parle de Lens entre autre. Vous avez déjà vécu cette expérience il y a quelques années lors de votre précédente participation à cette compétition ? Comment avez-vous vécu ces matchs chez «l’ennemi» ?
Les matches étaient vraiment sympas. Nous avons squatté Lens sans aucune animosité. Il y avait même quelques gars de Lens que nous avions déjà « croisés », nous les avons laissés tranquilles. Nous n’étions là QUE pour le foot, l’ambiance était très bon enfant.
17° - A propos de Lens, comment vois-tu l'évolution de cette rivalité depuis que tu vas au stade et que tu fréquentes les DVE ? Qu'est-ce qui a changé entre le derby des années 90 et celui d'aujourd'hui ?
Avant il n’y avait rien en face. Il y a bien eu les North Warriors qui avaient quelques bonnes individualités mais dans l’ensemble ils étaient vraiment faibles.
Les Tigers d’aujourd’hui sont meilleurs que les Warriors.
Mais encore aujourd’hui, Lille est bien au dessus.
Curieusement les Lensois semblent de mieux en mieux contre les autres clubs, et de pire en pire contre nous. Sûrement le complexe du Pas-de-Calais.
18° - Dernière question, on a vu ces dernières années, qu'une amitié était née entre lillois et niçois. Peux-tu nous expliquer comment s'est créé cette amitié ? Comment vis-tu ce genre de relation avec d'autres groupes ? Qu'est-ce que ça a apporte au DVE ?
Il y a quelques années, hors du cadre du foot, les Lillois ont beaucoup traîné à Nice car un fondateur des DVE y habitait. Quelques contacts se sont pris, mais de manière très privée. Puis les jeunes sont arrivés et ont remis ça, mais à plus grande échelle. Et c’est vrai qu’aujourd’hui les deux groupes se respectent et s’apprécient. Les visites sont régulières.
J’étais un peu réservé au départ comme beaucoup d’anciens, sur l’ampleur que cela prenait. Nous avons en effet toujours été contre les jumelages (des sudistes en plus !). Mais quand on connaît, Nice est un peu à part : ils sont bons mais ne se prennent pas au sérieux et ils aiment faire les cons. Leur mentalité est bonne et se rapproche de la nôtre. Donc aujourd’hui je suis pour.